Tes 3 ou quatre entreprises commerciales, mon cher Honoré, me trottent dans la cervelle; un auteur a bien assez de sa muse. Versé dans la littérature comme tu l’es, comment cette seule occupation qui a pris l’existence entière des hommes célèbres qui ont écrit, peut-elle te laisser à toi, le temps de suivre une nouvelle carrière et te jeter dans le commerce que tu ne connais pas du tout et qui demande au contraire que l’on y soit versé dès la première jeunesse.

 

l. de sa sœur Laurence (4 avril 1825)

Balzac a eu un certain nombre de fois des lubies entrepreneuriales. Des idées cohérentes, d’autres un peu (beaucoup !) moins. Mais à chaque fois cela ne se passera pas (et c’est un euphémisme) bien. Premières entreprises entre 25 et 30 ans environ, avant d’être connu comme écrivain sous son propre nom (ce qui sera à partir de 1829). Donc quelques années dans la deuxième partie des 1820’ qui vont décider de la suite, de l’écrivain qui est finalement. D’abord l’idée d’être éditeur, en collaboration avec le libraire Urbain Canel, avec un projet novateur (trop ?) : publier les œuvres complètes de La Fontaine, de Molière. Mais les livres sont de mauvaise qualité, écrits trop petit, avec des illustrations médiocres, et un prix fixé est très élevé. Il ne se vendra presqu’aucun de ses livres, Balzac connaîtra là sa première faillite ; avec beaucoup d’argent dû à sa mère. Dans la foulée il rachète une imprimerie à Paris. Son amante Mme de Berny lui prête beaucoup d’argent (et son mari intercède aussi pour que Balzac obtienne le brevet d’imprimeur nécessaire) pour cette entreprise (Balzac a imprimé sur ses presses notamment une réédition de Cinq-Mars d’Alfred de Vigny), entreprise qui ne marche pas mieux que la première, dettes s’accumulant. Après l’édition en 1825, l’imprimerie en 1826, Balzac ajoute fondeur de caractère à sa liste en 1827 ; et ça ne marche pas mieux. Sort de tout cela un Honoré de Balzac alourdi de quelques 60 000 francs (de l’époque) de dettes qui le poursuivrons toute sa vie et au delà. On peut penser que ces dettes vont conditionner l’écriture de Balzac par la suite, puisqu’il écrira en partie pour les rembourser. Une question (sans réponse réellement possible) : aurait-il écrit autant s’il n’avait pas eu ce besoin d’argent ?