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BALZAC

(par de petites portes)

Mois

mars 2011

BALZAC ? – François Bon 

Ma révélation Balzac. J’ai quinze ans. J’ai la chance de cette édition qui appartient à mon grand-père maternel. Dix-huit tomes reliés cuir, quelques rousseurs, des livres lourds. J’ai emmené le tout dans un carton de pièces détachées Citroën, je ne souhaitais pas ce mois au bord de mer avec mes parents, je m’enferme tout le jour avec les livres. Quand ça embraye, je ne cesse plus de trois jours et trois nuits. La tête juste un vertige. La réalité peuplée des Rastignac, d’Arthez, Nucingen et les autres a remplacé bloc pour bloc le monde qui m’entoure. C’est la première révélation essentielle : qu’un monde de mots peut remplacer l’autre, tout aussi exactement emboîté. Ce que j’ai la chance de comprendre (je termine ma seconde, j’ai déjà lu Illusions Perdues, il y a eu les grandes vacances de mai 68, mais à l’école on ne connaît de Balzac qu’Eugénie Grandet le pensum), c’est que la réalité perceptive concrète de ce monde fabriqué qui m’entoure, que je croyais solide, n’est pas d’autre nature que la réalité induite du roman. Si le réel n’est qu’une fiction comme les autres, écrire bien sûr devient possible.

 

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Merci à François Bon de m’avoir autorisé à reprendre cet extrait de ses Notes sur Balzac parues chez Publie.net

 

Brève correspondance avec David Marsac, éditeur de BALZAC REVIENT de Kol Osher, paru aux Éditions Les doigts dans la prose, 2010.

— Mesdames et messieurs, fermez les yeux un court instant. Imaginez ce bureau d’écrivain. L’été se heurte aux murs épais du château de Monsieur de Margonne. Balzac s’endort à sa table de travail, le vin d’Anjou, le Nil en cru, Moïse flottant dans son panier d’osier. Sa plume est au repos, mâchouillée, tachée d’encre. Son esprit plane dans la touffeur du soir. (« Qu’est-ce qui faut pas entendre. ») Il pense aux personnages accumulés en tas dans les coulisses de ses romans, assoiffés, racornis, exsangues, au bord de l’évanouissement. Comment trier ? S’y reconnaître ? Qui faire entrer ? Sera-t-elle blonde ou rousse l’élue du jour ? Rien n’est gagné d’avance. Quatre mille personnages, ça fait du monde dans les couloirs… La visite maintenant se termine, ce bureau d’écrivain, un homme original immense, poli par les grasses mains du temps, qui l’étreignent, vous l’empoignent, tenez-le bien qu’il ne s’échappe, toussote-t-elle, index entre les dents…
Chapitre 2, p.28-29

12 décembre 2010

Cher David,

Oui, je connais ce livre que vous avez publié ; je l’ai lu il y a quelques temps déjà. Je pourrais presque dire dévoré, ce qui est de bon augure, ne dévorant pas grand chose en ce moment.
Je ne suis pas forcément un bon critique littéraire c’est pourquoi je vais être assez succinct. Deux choses m’ont gênées : certains passages un peu gratuitement familiers et ce qui me semble être des approximations sur Balzac (les inventions et digressions par rapport à sa vie et son œuvre ne m’ont pas gêné par contre).
Et aussi une certaine vision de la visite guidée un peu datée. On ne les fait plus comme cela depuis quelques années.

Tout ça pour dire que c’est un très beau livre (objet et texte), l’idée est originale et j’aime beaucoup le style. Je comptais éventuellement faire un jour un petit billet où j’aurais dit tout cela.

Bien cordialement,

N. G.
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13 décembre 2010

Quelle bonne surprise, cher N.,

Je vous remercie de vos remarques sur notre deuxième livre, et de votre appréciation.

Ce livre est un hommage à Balzac et à une forme de culture commune, façon jeu des Mille francs, à l’époque où la France entière se tenait derrière Lucien Jeunesse, un peu avant midi. Et la visite du Musée, elle aussi désuète dans le livre, appartient à ce registre et n’entend pas dire la réalité du musée, plutôt signaler la nostalgie d’un âge passé.

Merci de votre courriel et de votre lecture.

David Marsac
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BALZAC ? – Marc Pautrel

Il y a longtemps, très longtemps, que je n’ai pas lu Balzac. Pourtant, dans mon souvenir il reste un maître pour moi, comme Proust, comme Flaubert, comme Céline, comme Kafka, comme Stendhal, car il s’occupe du destin des hommes et des femmes, il les dirige, il relate leurs pérégrinations, il peint, il démontre. Je me souviens d’un écrivain possédant une immense force de communication poétique au lecteur, et en même temps une mise à son niveau et une écoute, et je me rappelle aussi que là où Kafka et Proust se tournent vers leur for intérieur, Balzac lui se préoccupe avant tout de son lecteur. Dans la perception que j’en ai gardée, Balzac est un auteur qui ne doute pas, n’hésite pas, ne ralentit pas, je le vois exactement comme l’a sculpté Rodin : une montagne.

Je n’ai pas lu autant Balzac que j’ai lu Proust ou Kafka, mais j’ai le souvenir d’un romancier qui va à l’essentiel et se concentre sur une chose encore plus importante que le pouvoir ou le sexe : l’argent. Être riche c’est être libre, axiome évidemment totalement faux mais dans lequel j’identifie Balzac. Je le vois aussi comme un grand autobiographe dissimulé, qui projette son existence dans des romans-feuilletons, feuilleton entendu ici dans un sens noble. Et les descriptions de Balzac ne m’ont jamais semblées trop longues ni superflues, contrairement à ce que soutient une curieuse légende à propos de ses livres.

Je me souviens avoir lu, sans doute vers l’âge de trente ans, Illusions perdue, La Peau de chagrin, Le Père Goriot, Eugénie Grandet, et quelques autres, bien que j’aie oublié de manière presque complète ce que ces livres racontaient. Mais j’ai parfaitement retenu le sentiment qui m’a traversé à leur lecture et me traverse encore : une fascination sans limite pour le destin brisé des autres.

Marc Pautrel

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Marc Pautrel est l’auteur de plusieurs romans et récits. Récemment il a publié Un Voyage humain chez Gallimard et Le Moteur à os chez Publie.net. Il blogue aussi ici et .

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